Phytochimie et extraction de l’échinacée

L’échinacée est une plante célèbre pour ses propriétés médicinales. Elle est devenue populaire dans le domaine de la phytothérapie en raison de son potentiel à stimuler le système immunitaire. Mais elle fait bien plus que cela, le saviez-vous ?

Je vous propose de découvrir l’échinacée pourpre, la variété la plus facile à cultiver dans votre jardin. On utilise non seulement ses racines mais aussi toute la plante. Nous pouvons en faire plusieurs types d’extraits nous-mêmes. Regardons donc cela ensemble.

Différences entre les espèces d’échinacées

Les échinacées sont originaires de l’Amérique du Nord, chacune ayant son origine dans une région et un climat spécifiques. Les trois espèces les plus couramment utilisées pour leurs propriétés médicinales sont l’échinacée pourpre, l’échinacée à feuilles étroites et l’échinacée pâle.

Ce sont les peuples autochtones qui ont transmis leurs savoirs sur les usages traditionnels de la plante. Par la suite, l’échinacée à été cultivée en Europe et abondamment étudiée pour ses propriétés médicinales.

Échinacée pourpre (Echinacea purpurea)

L’échinacée pourpre pousse naturellement dans une grande partie de la côte est, allant des États-Unis jusqu’au Canada Le climat y est plus humide. Elle est relativement facile à cultiver et est largement utilisée comme plante ornementale dans toutes les régions. Habituellement, c’est l’espèce que nous avons dans nos plate-bandes. Elle produit des capitules de fleurs bombés entourés de pétales pourpres. Les racines de cette échinacée se présentent sous forme de petits filaments, nécessitant un nettoyage minutieux si on prépare des produits. Au niveau médicinal, on utilise non seulement la racine, mais aussi l’ensemble de la plante.

Échinacée à feuilles étroites (Echinacea angustifolia)

L’échinacée à feuilles étroites ou angustifolia vient des prairies presque désertiques de l’ouest des États-Unis, la Saskatchewan et le Manitoba. Elle est plus petite que la pourpre et elle pousse plus lentement. Ses feuilles sont plus longues que larges, elle sont élancées et se trouvent surtout à la base du plant. Les pétales de la fleur sont pourpres elles aussi mais les racines sont beaucoup plus dodues. Pour cette espèce, ce sont les racines qui sont les plus utilisées. On les récoltes quand elles sont matures, après au moins 3-4 ans.

Échinacée pâle (Echinacea pallida)

L’échinacée pâle se trouve plutôt au centre des États-Unis et en Ontario. On la distingue facilement des deux autres espèces par ses fleurs. Les capitules sont plus petits, et les pétales qui les entourent sont longs et minces. Ils sont de couleur rose au lieu d’être pourpres. C’est la racine qui est utilisée.

Il y a plusieurs autres espèces d’échinacées indigènes ainsi que des cultivars disponibles en jardinerie. On ne sait pas s’ils sont équivalents aux trois échinacées mentionnées ci-dessus car ils sont peu abordés dans les références.

Fleurs ou racines ?

Tout d’abord, les monographies de la Commission E et de la US Pharmacopeia portent sur les parties aériennes (tout ce qui sort de terre) d’Echinacea purpurea. Toutefois, en Amérique du Nord, plusieurs produits sont préparés avec les racines pour les mêmes utilisations.

Dans mes recherches, une source mentionne que c’est à la fin de la floraison que les parties aériennes contiennent le plus de principes actifs, lorsque la fleur commence à flétrir. Cependant, le taux de principes actifs est également assez élevé au tout début de la floraison.

Si ce sont de nouveaux plants, il est préférable d’attendre la deuxième année pour que le plant soit bien implanté avant de le récolter. La racine, quant à elle, est récoltée sur les plants qui ont encore leurs fleurs au début de l’automne.

Phytochimie de l’échinacée pourpre

Étonnamment, la phytochimie des trois échinacées est différente. Elles ont des points communs, bien sûr, mais les molécules ne sont pas les mêmes malgré des utilisations similaires pour les trois plantes. J’ai ainsi choisi de vous présenter la phytochimie de celle qui est la plus susceptible d’être présente dans votre jardin, l’échinacée pourpre.

Quelques principes actifs de l’échinacée pourpre

Molécules-clés	Famille phytochimique	Quelques propriétés médicinales
Polysaccharides de type arabinogalactanes et hétéroxylanes	Glucides	Anti-inflammatoires, immunostimulants, prébiotiques
Inuline	Glucides	Prébiotique qui soutient le microbiote intestinal
Isobutylamides d’acides polyényniques et polyéniques	Alkamides	Anti-inflammatoires, immunomodulateurs, analgésiques, antiviraux, anxiolytiques
Acide cichorique	Composés phénoliques	Antiviral, antioxydant

Polysaccharides de l’échinacée pourpre

L’échinacée pourpre séchée contient entre 2 et 7 % de polysaccharides dans ses parties aériennes.

Les polysaccharides sont des polymères de glucose, les molécules sont reliées entre-elles pour former de longues chaînes fibreuses. Certains polysaccharides, notamment les arabinogalactanes de l’échinacée, ont la capacité de stimuler le système immunitaire en activant les macrophages et les lymphocytes. Cette activation peut renforcer la réaction de l’organisme face aux infections, contribuant ainsi à une réponse immunitaire plus soutenue.

Additionnellement, les polysaccharides de l’échinacée présentent des propriétés anti-inflammatoires en régulant la libération de cytokines pro-inflammatoires. C’est donc un élément intéressant pour les infections virales comme celle dont nous avons eu à faire face ces dernières années (voir l’article spécifique sur le sujet ici).

Les divers polysaccharides de l’échinacée, y compris l’inuline, jouent un rôle bénéfique dans le maintien de la santé digestive en agissant comme prébiotiques, favorisant ainsi la croissance des bactéries bénéfiques dans l’intestin. Ces bactéries, constituant notre microbiote intestinal, sont cruciales pour notre santé globale et jouent un rôle essentiel dans notre défense contre les agents pathogènes.

Alkamides de l’échinacée pourpre

Les alkamides se trouvent en plus grandes quantités dans la racine que dans les autres parties de la plante. La plante fraîche en contient 2 1/2 fois plus que la plante séchée.

Les alkamides présents dans l’échinacée agissent en modifiant le fonctionnement des cellules immunitaires tout en réduisant l’émission des substances inflammatoires. Tout comme les polysaccharides peuvent le faire, les alkamides aident à contrer les infections tout en diminuant les symptômes liés à l’infection. Ils bloquent une voie métabolique appelée métabolisme de l’acide arachidonique. Les alkamides de l’échinacée ont montré une activité antivirale contre les virus de l’herpès, de la grippe et du rhume dans certaines études.

Il faut quand même que je vous dise que d’autres études n’ont pas été aussi concluantes sur l’efficacité de l’échinacée contre les virus. Dans certains cas, les tests n’ont pas démontré les bénéfices attendus. Cependant, il est légitime de remettre en question la méthode de préparation de l’échinacée utilisée dans ces études. Les extraits testés étaient-ils composés d’alkamides isolés ? La plante était-elle fraîche ou séchée ? Était-ce les racines ? De quelle espèce d’échinacée ? Ces informations ne sont pas toujours spécifiées dans les rapports, rendant difficile la comparaison entre les différentes études. Malgré cette variabilité des résultats, de nombreux utilisateurs témoignent des bienfaits de l’échinacée.

En plus de leurs effets bénéfiques sur les infections, les études indiquent que les alkamides peuvent reproduire certaines actions anti-inflammatoires et analgésiques similaires à celles des cannabinoïdes présents dans le cannabis. Ils ont également démontrés des propriétés anxiolytiques.

Acide chicorique de l’échinacée pourpre

L’acide chicorique a une activité antioxydante qui protège les cellules des dommages causés par les inflammations et les infections.

Extractions des principes actifs de l’échinacée pourpre

L’acide chicorique et les autres composés phénoliques présents dans l’échinacée pourpre agissent en synergie avec les alkamides et les polysaccharides. En d’autres termes, le mélange de tous ces composés est plus efficace que lorsqu’ils sont séparés.

Molécules-clés	Extraction dans l’eau	Extraction dans l’alcool	Extraction dans l’huile	Quelques propriétés médicinales
Polysaccharides de type arabinogalactanes et hétéroxylanes	Excellente	Réduite	Nulle	Anti-inflammatoires, immunostimulants, prébiotiques
Inuline	Excellente	Réduite	Nulle	Prébiotique qui soutient le microbiote intestinal
Isobutylamides d’acides polyényniques et polyéniques	Minime	Excellente	Excellente	Anti-inflammatoires, immunomodulateurs, analgésiques, antiviraux, anxiolytiques
Acide cichorique	Bonne	Excellente	Nulle	Antiviral, antioxydant

À la vue de ce tableau, on comprend qu’il sera difficile d’obtenir une extraction optimale pour tous les principes actifs avec un seul solvant. C’est la raison pour laquelle on retrouve différents types de préparations dans les utilisations médicinales.

Infusion d’échinacée

On peut préparer une tisane d’échinacée en plaçant 30 à 60 ml de plante (racine ou feuille ou fleur) par tasse d’eau. On laisse infuser au moins 15 minutes. Ce n’est pas une préparation qui a bon goût, je vous le dis tout de suite !

Échinacée en teinture dans l’alcool

L’alcool est un bon choix pour extraire divers composés de l’échinacée. Le taux d’éthanol optimal se situe entre 40 et 50 % pour obtenir une quantité adéquate d’alkamides tout en préservant également certains polysaccharides.

Pour ma préparation personnelle, j’ai haché finement 50 g de capitules de fleurs d’échinacée pourpre que j’ai mis dans 100 ml de vodka à 40 %. J’ai laissé le mélange macérer pendant 6 semaines avant de le filtrer.

Autres types de préparations

Plusieurs produits du commerce extraient le jus de toute la partie aérienne de l’échinacée. Certains vont ensuite sécher le jus pour en faire une poudre. D’autres vont ajouter de l’éthanol concentré au jus afin d’obtenir un produit avec une teneur en alcool à 30 %.

On peut aussi préparer un extrait d’échinacée séchée dans l’huile afin d’en faire un onguent antiseptique et analgésique. Celui-ci pourrait servir de baume à lèvres contre les éruptions d’herpès ou de crème pour les problèmes d’acné.

Précautions d’usage de l’échinacée pourpre

L’échinacée est une plante de la famille des Astéracées, et il arrive que certaines personnes en soient allergiques.

Il y a des doutes quant à l’utilisation de l’échinacée chez les personnes qui sont immunosupprimées ou qui souffrent de maladies auto-immunes.

Références

Minnesota Wildflowers. Echinacea.

European Medecines Agency. Assessment report on Echinacea purpurea L. Moench., herba recens. 24 november 2014.

Maria O Thomsen et coll. Harvest strategies for Optimization of the content of bioactive alkamides and caffeic acid derivatives in aerial parts and in roots of Echinacea purpurea. J Agric Food Chem, 66 (44), 2018.

K. Woelkart et R. Bauer. The role of alkamides as an active principle of Echinacea. Planta Med, 73(7), 2007, 615-623.

A. Manayi et coll. Echinacea purpurea : Pharmacology, phytochemistry ans analysis methods. Pharmacogn Rev, 9(17), 63-72.

A. Petrova et coll. Phytochemical characterization of purple coneflower roots and their extracts. Molecules 2023, 28(9), 3956.

Échinacée en bref. Franchement Santé (consulté en janvier 2024).