Phytochimie et extraction de la consoude

Plant de consoude en fleurs (Symphytum officinale)

La consoude (Symphytum officinale) est une plante médicinale largement reconnue par les herboristes. Elle était couramment utilisée pour traiter les fractures et les plaies, on la surnomme la plante qui «soude» les tissus et les os. Elle servait aussi de légume nutritif avant que la présence d’alcaloïdes ne soit découverte. Désormais, nous savons que les alcaloïdes pyrrolizidiniques qu’elle renferme présentent un risque de toxicité hépatique, son usage est donc restreint dans plusieurs pays. Voyons ensemble la phytochimie et l’extraction de la consoude qui nous permettent d’exploiter ses bienfaits.

Culture de la consoude au jardin

La consoude est une plante herbacée vivace qui pousse dans les milieux tempérés et humides en Europe et en Asie. En Amérique du Nord, elle a été introduite pendant la colonisation et elle s’est naturalisée avec le temps. On la trouve désormais un peu partout, en particulier dans les endroits où il y a eu des jardins.

C’est une plante très facile à cultiver, elle s’accommode de tous les types de sols. Et même qu’une fois installée, elle y reste pour toujours !!!

Je me suis procurée ma première racine de consoude auprès d’un agriculteur. Pour lui, c’était une mauvaise herbe qui poussait à côté de la grange. Un tout petit éclat de racine a été suffisant pour produire une plante vigoureuse dès le même été. Sa racine plonge profondément dans le sol, elle peut atteindre les 2 mètres. Alors impossible de la déménager ensuite, elle repoussera sans faute au même endroit à chaque année. D’ailleurs, c’est une formidable plante pour faire du compost. Elle est très prolifique et elle va chercher des minéraux que d’autres plantes en surface ne peuvent pas capter.

Plant de consoude en fleurs (Symphytum officinale)
Consoude (Symphytum officinale)

Différentes espèces de consoude

Il y a plusieurs espèces et cultivars de Symphytum, ils peuvent avoir une apparence très similaire et même s’hybrider entre-eux, ce qui les rend assez difficile à distinguer l’un de l’autre.

Consoude officinale (Symphytum officinale): ses feuille sont décurrentes, elles descendent le long de la tige comme des ailes. Les fleurs se présentent sous forme de petites clochettes de couleur rose ou violette mais peuvent avoir une teinte bleue ou jaune. Les graines sont noires et brillantes. Photos.

Si l’espèce n’a pas subi de croisement avec d’autres variétés, la consoude officinale devrait théoriquement contenir très peu d’alcaloïdes pyrrolizidiniques, en tous les cas, pas les plus toxiques. Cependant, en prenant en compte les hybridations spontanées et les similitudes botaniques entre les espèces, il est préférable de toujours considérer la possibilité de leur présence.

Consoude rugueuse (Symphytum asperum) : est couverte de poils rudes. Les feuilles ont des courts pétioles et ne sont pas décurrentes (ne se prolongent pas sur la tige). Les fleurs sont bleues. La consoude rugueuse contient des alcaloïdes pyrrolizidiniques parmi les plus toxiques.

Consoude russe (Symphytum x uplanidicum, synonyme Symphytum peregrinum) : est un hybride de la consoude rugueuse et la consoude officinale. La plupart des feuilles ne sont pas décurrentes mais certaines peuvent l’être. Les graines sont brunes. La consoude russe contient des alcaloïdes pyrrolizidiniques parmi les plus toxiques.

Sauf pour les cultivars «Bocking No.4 et No.14» du HDRA (Garden Organic UK) qui ont été développés pour ne pas contenir d’alcaloïdes. Ceux-ci sont utilisés comme nourriture pour les animaux et conviennent à la consommation humaine.

Consoude à grandes fleurs (Symphytum grandiflorum), : souvent utilisée comme plante ornementale, le plant est beaucoup plus petit, il a tendance à ramper au sol. Les fleurs sont blanches ou jaunes.

Consoude tubéreuse (Symphytum tuberosum) : commune en Europe, elle a des fleurs blanches ou jaunes. Elle se distingue par ses rhizomes.

Consoude de Caucase (Symphytum caucasicum) : plante ornementale avec les fleurs bleues.

Ces trois dernières contiennent des alcaloïdes pyrrolizidiniques parmi les plus toxiques.

Récolte de la consoude officinale

Historiquement, on cueillait les feuilles tout l’été pour les manger comme un légume vert. Maintenant que l’on a identifié des alcaloïdes, on se montre plus prudent et on réserve la plante pour les usages en externe. On cueille les grandes feuilles, celles qui sont plus matures, ainsi que les racines.

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Pour ma part, je procède à la première récolte de feuilles lorsque les fleurs commencent à apparaître. Je rase le plant à quelques cm du sol. Je fais sécher les plus grandes feuilles au déshydrateur, et j’utilise les autres comme paillis. Le plant repousse rapidement, c’est pourquoi je répète ce processus une à deux fois au cours de la saison.

Pour ce qui est des racines, elles forment un amas compact de racines entremêlées. J’en récolte parfois en été mais la période optimale est l’automne.

Phytochimie de la consoude officinale

Au niveau médicinal, on utilise aussi bien les feuilles que les racines. Je vous présente donc la composition en vous spécifiant quelle partie de la plante en contient en quantité suffisante pour être mentionnée.

Voici quelques principes actifs d’intérêt dans la consoude officinale :

Molécules-clésFamille phytochimiquePartie de la planteQuelques propriétés médicinales
Potassium, calcium, phosphore, fer MinérauxRacine
Feuille
Engrais pour les plantes
Mucilages (fructosane et d’acides uroniques)GlucidesRacine
(Feuille)
Cicatrisant, anti-inflammatoire
Acide rosmariniquePhénylpropanoïdesFeuille
Racine
Anti-inflammatoire, analgésique, resserre les tissus (astringent)
Saponines TerpénoïdesRacineAnti-inflammatoire, soulage la douleur
AllantoïnePseudoalcaloïdeRacine
Feuille
Régénérant
Alcaloïdes pyrrolizidiniques AlcaloïdesRacine
Feuille
Toxique pour le foie
Quelques principes actifs de Symphytum officinale

Minéraux dans la consoude

Le contenu minéral de la consoude est surtout intéressant pour l’utilisation au jardin. Étant donné que les racines de la consoude s’enfoncent profondément dans le sol, elles puisent les minéraux des couches les plus profondes, inaccessibles aux plantes en surface. Les racines transfèrent ces minéraux aux feuilles qu’on récolte. Ensuite, on incorpore les feuilles au compost ou on les transforme en purin.

Pour préparer mon purin, je mélange la consoude avec l’ortie. Je place les feuilles entières dans une chaudière en plastique et j’y ajoute de l’eau de pluie. Je place le tout dans un endroit éloigné de la maison et à l’ombre. J’attends à peu près 10 jours. Une fois cette période écoulée, je décante le liquide obtenu et le dilue, en versant une partie du purin pour dix parties d’eau dans mon arrosoir. J’utilise ensuite cette solution pour arroser l’ensemble des légumes de mon jardin. Au cours des semaines qui suivent, je constate généralement une poussée verdoyante des plantes.

Mucilages dans la consoude

La racine de consoude renferme jusqu’à 29 % de mucilages, se présentant sous forme de fructosanes et d’acides uroniques. Ils créent une matrice qui, au contact de l’eau, se gonfle comme une éponge gélatineuse !

Lorsqu’ils sont imbibés d’eau, ces mucilages se révèlent rafraîchissants et lubrifiants au contact de la peau. Ils contribuent au processus de cicatrisation des tissus, des os et des cartilages, agissant comme des anti-inflammatoires. Les mucilages aident à résoudre les contusions ainsi que les blessures aux articulations et aux muscles, ils agissent en combinaison avec l’allantoïne. La feuille contient aussi des mucilages mais la quantité n’est pas spécifiée.

Acide rosmarinique

La feuille et la racine de consoude contiennent de l’acide rosmarinique (voir Basilic) qui contribue à l’action anti-inflammatoire de la plante. L’acide rosmarinique est un puissant antioxydant qui protègent les tissus des dommages oxydatifs.

Saponines

La racine de consoude contient des saponines triterpéniques, des molécules qui agissent comme des savons, solubilisant autant les principes actifs solubles dans l’eau que ceux solubles dans l’huile. La présence de ces saponines pourrait expliquer pourquoi les préparations de consoude dans l’huile se révèlent plus efficaces que ce que prévoit la théorie.

Allantoïne

L’allantoïne est un composé très recherché pour son action à stimuler la regénération des tissus. Elle est considérée comme le principe actif principal pour favoriser la réparation des fractures, des ecchymoses et des entorses. Ce composé est grandement apprécié pour ses vertus cosmétiques, et j’ai rédigé un article complet à ce sujet que vous pouvez retrouver ici.

La racine contient entre 6000 et 8000 ppm d’allantoïne comparé à la feuille qui en contient entre 1100 et 20 000 ppm (selon la banque de données du Dr. Duke). Ce qui fait que les deux parties de la plante sont tout aussi intéressantes pour réparer les blessures.

Alcaloïdes pyrrolizidiniques et leur toxicité

Les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont une famille de molécules qu’il convient de traiter avec prudence. Certains membres de cette famille sont totalement inoffensifs, tandis que d’autres peuvent entraîner des dommages irréversibles au foie.

Une étude menée sur des échantillons de Symphytum officinale commerciaux à révélé que :

-les racines de consoude contiennent entre 1380-8320 µg/g d’alcaloïdes pyrrolizidiniques.

-les feuilles de consoude contiennent entre 15 et 55 µg/g d’alcaloïdes pyrrolizidiniques.

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Comme la consoude officinale peut s’hybrider avec d’autres espèces de consoude, le type d’alcaloïdes pyrrolizidiniques ainsi que leur quantité varient énormément d’un approvisionnement à un autre. En l’absence d’analyses de laboratoire, il faut présumer que la consoude pourrait contenir les alcaloïdes pyrrolizidiniques les plus toxiques (echimidine.

Les alcaloïdes pyrrolizidiniques ne sont pas toxiques en eux-mêmes ; c’est plutôt lorsqu’ils se transforment en pyrroles (un métabolite réactif) sous l’action des enzymes du foie qu’ils provoquent des dommages. Les cellules endommagées peuvent causer une maladie veino-occlusive, caractérisée par une obstruction des vaisseaux sanguins du foie. À long terme, cela peut entraîner une congestion hépatique, engendrant des problèmes de santé irréversibles. Certaines personnes y sont plus sujettes que d’autres, cela dépend de l’état de santé, le régime alimentaire, mais aussi de la génétique. Il y a eu quelques cas d’intoxication signalés chez des personnes qui consommaient de la consoude de manière quotidienne durant plusieurs mois consécutifs, que ce soit en ingérant les feuilles et les racines ou en les buvant en infusion.

Toutefois, il n’y a aucun cas signalé pour les utilisations topiques. Une étude menée sur des animaux a démontré que l’absorption cutanée était de 20 à 50 fois moins importante qu’en ingestion orale.

La lycopsamine est un alcaloïde pyrrolizidinique présent dans la consoude mais aussi dans l’eupatoire maculée et la bourrache. Elle est citée comme potentiellement dommageable pour le foie mais elle n’est pas parmi les plus toxiques. Sa solubilité est plus grande dans l’alcool que dans l’eau. Elle n’est pas soluble dans l’huile.

La lycopsamine se présente également sous forme oxydée (n-oxyde) dans la plante. Cette forme est vraiment très soluble dans l’eau mais elle n’est pas du tout soluble dans l’huile.

Extractions des principes actifs de la consoude

Dans cette section, je vais uniquement aborder les préparations cutanées. D’abord, l’eau chaude présente l’avantage d’extraire les principaux principes actifs de la plante. En revanche, l’huile présente l’avantage de réduire la présence des alcaloïdes tout en permettant la préparation de produits qui se conservent. J’aurais pu mentionner l’extraction à l’alcool, mais cette méthode est moins intéressante parce que l’alcool déshydrate la peau.

Extraction de la consoude dans l’eau

On utilise les feuilles ou les racines, fraîches ou séchées, pour divers types de préparations.

On peut écraser la plante avec de l’eau et l’appliquer directement à l’endroit souhaité. Ou, on peut infuser la plante dans de l’eau et l’appliquer à l’aide d’un tissu. Pour créer un pâte qui reste en place, on ajoute de l’argile à la préparation.

L’eau chaude est le meilleur solvant pour extraire tous les principes actifs de la consoude. Malheureusement, l’eau extrait efficacement les alcaloïdes pyrrolizidiniques également.

Molécules-clésExtractionQuelques propriétés médicinales
Potassium, calcium, phosphore, fer ExcellenteEngrais pour les plantes
Mucilages (fructosane et d’acides uroniques)ExcellenteCicatrisant, anti-inflammatoire
Acide rosmariniqueBonneAnti-inflammatoire, analgésique, resserre les tissus (astringent)
Saponines BonneAnti-inflammatoire, soulage la douleur
AllantoïneBonneRégénérant
Alcaloïdes pyrrolizidiniques BonneToxique pour le foie
Principes actifs de Symphytum officinale extraits dans l’eau chaude

Extraction de la consoude dans l’huile

L’utilisation d’huile permet de conserver la préparation pour des applications répétées, que ce soit l’extrait pur ou mélangé avec d’autres ingrédients pour créer une pâte, un onguent ou une crème.

Molécules-clésExtractionQuelques propriétés médicinales
Potassium, calcium, phosphore, fer NulleEngrais pour les plantes
Mucilages (fructosane et d’acides uroniques)NulleCicatrisant, anti-inflammatoire
Acide rosmariniqueRéduiteAnti-inflammatoire, analgésique, resserre les tissus (astringent)
Saponines BonneAnti-inflammatoire, soulage la douleur
AllantoïneNulleRégénérant
Alcaloïdes pyrrolizidiniques NulleToxique pour le foie
Principes actifs de Symphytum officinale extraits dans l’eau chaude

À la vue de ce tableau, on pourrait se dire que l’extraction dans l’huile n’est pas une bonne option du tout. Cependant, je peux témoigner de mon expérience. L’extrait huileux des feuilles et des racines de consoude donnent des résultats surprenants sur les cicatrices et les ecchymoses !

J’ai émis une hypothèse au sujet de la formation de micelles dans l’article sur la Phytochimie du plantain. Il est possible que les saponines de la consoude agissent comme des facilitateurs, permettant à une petite portion de l’allantoïne et des mucilages de rester en suspension dans l’huile.

Personnellement, j’ai constaté des résultats significatifs avec mes huiles de macération préparées en faisant macérer les feuilles fraîches dans l’huile à chaud (à une température de 50-60°C pendant 4 heures).

Précautions d’usage de la consoude

Dans certains pays comme l’Australie, la vente de tout produit à base de consoude est interdite. Au Canada et en Europe, la consoude n’est autorisée que dans les produits destinés à un usage externe. Par précaution, la Commission E recommande de limiter l’utilisation à un maximum de 6 semaines consécutives et de ne pas l’appliquer sur une plaie ouverte.

Cependant, ces restrictions ne s’appliquent pas aux produits ayant prouvé l’absence d’alcaloïdes pyrrolizidiniques.

Références

BRUNETON, Jean. Pharmacognosie, Phytochimie, Plantes médicinales, 4e édition, Éditions Tec & Doc, Paris, 2009, 1269p.

Gazmend Skenderi. Herbal Vade Mecum. Herbacy Press, New Jersey, 2003, 480p.

HerbalGram issue #25, American Botanical Council, Comfrey Update by Dennis V.C Awang.

COMMITTEE ON HERBAL MEDICINAL PRODUCTS. Assessment report on Symphytum officinale L., radix. London, European Medecines Agency, 2015.

A. Recurt-Carrere. La grande consoude, thèse pour le diplome d’état de docteur en pharmacie. 2015.

2 thoughts on “Phytochimie et extraction de la consoude

  1. J’ai reçu ce commentaire dans le groupe facebook : «Il y a environ 2 semaines je m’étais coupé un peu un doigt près de l’ongle (avec un couteau) et ça guérissait couci-couça.
    J’ai récolté mes racines de consoude et j’ai donc lavé ces racines.
    C’est remarquable comme ma coupure s’est mise à guérir rapidement !»

  2. Pour ajouter à mon article : Les produits à base de consoude qui ont été testés dans les études cliniques sont des extractions de la racine et des feuilles dans l’alcool, ils ont ensuite formulé le tout en crème.
    Les préparations dans l’huile se voient seulement dans les préparations traditonnelles en herboristerie. Je n’ai pas trouvé de preuve de leur efficacité dans les études. C’est seulement mon expérience qui a vu des résultats avec l’huile de feuilles fraîches.

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