Ce que j’aurais voulu savoir lorsque j’ai débuté en herboristerie

Jeune etudiante en herboristerie

Dans mon article «Pourquoi s’intéresser aux plantes médicinales?» (à lire avant celui-ci), j’ai partagé comment j’en suis venue à découvrir l’herboristerie. Cependant, je tiens à revenir sur quelques difficultés que j’ai rencontrées en cours de route.
D’abord, je voulais tout savoir tout de suite. J’avais l’impression d’être en retard, dévorant un livre après l’autre, car j’avais enfin trouvé ma passion.

J’ai rapidement constaté que j’oublais la majorité des informations que j’avais lues dans les jours suivants. 😕

J’étais découragée…pour une fois je lisais sur un sujet que j’aimais, mais comble de malheur, je n’arrivais pas à m’en souvenir ! Et pourtant, je n’avais jamais eu de problème de mémoire auparavant, j’étais même plutôt bonne à l’école pour mémoriser des informations nouvelles. Mais que m’arrivait-il… Était-ce mes deux grossesses ? Les nombreuses choses du quotidien à ne pas oublier…maison…famille…travail ?

Calmer le système nerveux

Rapidement, j’ai réalisé que mon enthousiasme à apprendre et le sentiment d’urgence, ne faisaient pas bon ménage. Les deux ensemble provoquaient plutôt un état de stress, ça n’allait pas du tout dans le sens voulu qui était d’avoir du plaisir à apprendre ! Et j’ai pris du temps à m’en rendre compte, j’avais juste l’impression d’avoir développé un déficit d’attention.

Alors, il m’a été nécessaire de ralentir le rythme et d’explorer plusieurs approches d’apprentissage différentes pour approfondir mon étude.

La première chose a été d’introduire une courte période de respirations avant de commencer une lecture. J’apprécie particulièrement l’utilisation de la cohérence cardiaque. On inspire 6 secondes et on expire 6 secondes pendant 5 minutes. Très simple ! De cette façon, mon système nerveux se met au neutre, les pensées s’arrêtent pour un instant, laissant ainsi de la place pour recevoir de nouvelles informations.

Une plante à la fois

Si je lisais des informations sur plusieurs plantes, tout se mélangeait dans mon cerveau. Du coup, je n’étais plus certaine si c’était la camomille allemande ou encore la grande camomille qui était à utiliser pour les ulcères !? 🙄

La camomille allemande (Matricaria chamomilla) est anti-inflammatoire utile pour tous les cas d’ulcères que ce soit dans la bouche, l’estomac ou les intestins. En plus de calmer l’inflammation, elle calme aussi le système nerveux et amène à se détendre.

La grande camomille (Tanacetum parthenium) est aussi une plante anti-inflammatoire. C’est une plante qui stimule la sécrétion de bile alors elle aide le foie et la digestion en général. C’est une spécialiste des migraines. Mais lorsqu’on la consomme en grandes quantités, il peut arriver qu’elle cause des ulcères dans la bouche.

Donc, j’avais bien lu le mot «ulcère» pour les deux plantes, mais ce n’était pas dans le même contexte !

J’ai alors compris qu’il valait mieux me concentrer sur une seule plante à la fois.

Recontrer la plante

Si vous vous retrouvez au milieu d’une foule de gens, quels sont ceux dont vous vous souviendrez après quelques mois ? Probablement ceux avec qui vous avez maintenu une certaine discussion dans le temps ou encore, ceux qui vous ont impressionné.

Alors, à partir du moment où j’ai fait pousser la plante au jardin, que j’en ai pris soin, que je l’ai cueillie et goûtée, je n’ai plus eu de difficulté à distinguer les deux types de camomille.

La camomille allemande (Matricaria chamomilla) est fortement parfumée, et son infusion, préparée à partir de ses fleurs fraîches, rappelle le goût du jus de pomme. Lorsqu’on la déguste, on ressent immédiatement un apaisement et une douceur, ce qui laisse présager qu’elle pourrait être bénéfique pour les ulcères. L’infusion peut s’utiliser pour apaiser toutes les inflammations digestives, il suffit de mélanger 5 ml de fleurs de camomille avec 250 ml d’eau chaude, puis de laisser infuser pendant au moins 5 minutes. On peut la déguster aussi bien froide que chaude.

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La grande camomille (Tanacetum parthenium) a plutôt une odeur âcre et son goût est vraiment très amer. Personnellement je trouve qu’elle a un goût très désagréable d’aspirine écrasée ! Une infusion serait difficile à consommer. D’ailleurs, dans son cas, je recommanderais une teinture (extraction dans l’alcool) pour la consommer, parce que quelques gouttes dans l’eau, c’est plus facile à avaler. C’est une anti-inflammatoire tout comme la camomille allemande mais pas pour le même genre d’inflammations, sa spécialité c’est les migraines.

Mon expérience olfactive et gustative de la plante m’a donc fourni des informations supplémentaires que je n’aurais pas saisies dans un livre. Et, par magie, ces informations-là restent gravées dans ma mémoire; je ne suis pas prête de les oublier !

Les mécanismes d’action

Moi, je n’aime pas apprendre par coeur, je n’ai pas envie de mémoriser des informations sans comprendre pourquoi. J’ai besoin de savoir comment la plante agit et par quels moyens cela pourrait être possible.

La phytochimie permet de savoir ce qui se cache dans l’invisible, c’est un élément d’information complémentaire à l’usage traditionnel de la plante. Et, il permet de se faire une idée probable des mécanismes d’actions qui se passent entre la plante et notre corps.

La camomille allemande (Matricaria chamomilla) contient des mucilages et d’autres composantes anti-inflammatoires comme le bisabolol, la matricine et le chamazulène. Les mucilages absorbent l’eau et forment une couche de protection sur les tissus; il sont enrobants et apaisants. Quelques exemples de plantes riches en mucilages sont les graines de chia, graines de lin, gel d’aloès, racines de guimauve; elles forment des gels gluants dans l’eau. La camomille allemande n’est pas la plante qui en contient le plus, mais sachant qu’elle en contient, on peut imaginer que cela aide à apaiser l’inflammation. Les autres molécules anti-inflammatoires se retrouvent dans l’huile essentielle, une huile d’un bleu vif et surprenant. Cette huile est d’ailleurs utilisée dans certains produits post-épilatoires, car elle peut soulager la peau qui est à vif. On peut donc supposer qu’elle serait bénéfique en cas d’ulcères.

Huile essentielle de camomille allemande bleue
Huile essentielle de camomille allemande

La grande camomille (Tanacetum parthenium) contient des lactones sesquiterpéniques et une huile essentielle camphrée. L’action anti-inflammatoire est donc tout à fait différente. Les principes actifs de la grande camomille agissent sur le foie et sur les neurotransmetteurs. Pour les migraines, des investigations mènent à penser qu’une augmentation soudaine de sérotonine serait en cause. D’ailleurs, les antidépresseurs qui entraînent une hausse de la sérotonine provoque des maux de tête chez les personnes sujettes aux migraines. La sérotonine en excès causerait une vasodilatation des petites artères dans la tête, créant une sensation de pression. Hors, il a été démontré que les principes actifs de la grande camomille diminuent la sécrétion de sérotonine. C’est donc par ce mécanisme qu’elle aiderait à prévenir les migraines.

On peut donc faire des liens avec la phytochimie et certains mécanismes biologiques, cela ajoute à notre compréhension lorsqu’on connaît ce langage.

L’épreuve du test !

Lorsqu’on a cumulé ce paquet d’informations, il reste que cela doit servir à quelques chose ou à quelqu’un…sinon pourquoi avoir appris tout cela ? C’est là que l’épreuve du test entre en ligne de compte, il faut l’essayer pour voir si la théorie fonctionne !

Cela m’arrive rarement, mais une fois j’ai eu une petite ulcération dans la bouche (un aphte). Je devais avoir mangé quelque chose de trop acide. J’ai fait un bain de bouche avec une infusion de camomille allemande (Matricaria chamomilla) dans l’espoir de soigner ce petit bouton qui me dérangeait. Je serai honnête, je n’ai pas eu de franc succès avec la camomille. Peut-être n’ai-je pas répété l’opération assez souvent dans la journée… Cependant, ce qui a fonctionné le mieux, c’est une goutte de teinture d’hydraste du canada. Après 2 applications, l’ulcération avait disparue.

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Je fais régulièrement des migraines, et ce, depuis plusieurs années. Il y a 15 ans, j’avais au moins une crise par semaine. J’avais du mal à compléter ma journée de travail et à me rendre à la maison tellement j’avais la nausée. Ensuite, je passais le reste de ma soirée les yeux fermés et dans le noir. Avec les années, j’ai testé plusieurs approches qui ont considérablement réduit la fréquence des crises. Maintenant, elles sont très rares.

J’ai fait appel à la grande camomille (Tanacetum parthenium) à de nombreuses reprises. Si je sens que c’est une journée propice à la migraine (avec le temps, on apprend à se connaître) alors je prends 40 gouttes de teinture, 4 à 5 fois dans la journée. La plupart du temps, je réussis à l’éviter mais si elle se déclenche tout de même, je continue la prise de grande camomille pendant 48h. Je prends toujours la teinture dans un peu d’eau parce qu’il m’est arrivée d’avoir un aphte après en avoir consommer pendant plusieurs jours d’affilée.

J’ai découvert qu’une façon très efficace de retenir l’information se trouve dans l’expérience pratique. Lorsqu’on observe les effets d’une plante en action, on saisit encore mieux ses propriétés médicinales.

Et même si on n’a pas encore eu l’occasion de vivre l’expérience pratique avec une plante, on retient mieux les faits vécus. Surtout lorsque l’histoire racontée ressemble à ce que l’on vit personnellement ou nous fait penser à une personne proche.

Prendre des notes

Et pour couronner le tout, pour s’assurer de ne rien oublier, prendre des notes est essentiel !

Personnellement, je n’aime pas trop me relire, donc mes cahiers de notes se concentrent uniquement sur les aspects qui touchent mes besoins personnels et ceux des personnes qui me sont proches. Je note ce qui me parait le plus important, avec des mots-clés et des petits dessins. Et, j’inscris soigneusement mes références pour savoir où retrouver tous les détails dont je pourrais avoir besoin dans le futur.

Voilà donc ce que j’aurais voulu savoir lorsque j’ai débuté mes études sur les plantes médicinales !

L’herboristerie est un domaine riche et vaste, il est important de se donner du temps pour apprendre et expérimenter. Même après des années à étudier et à collaborer avec d’autres herboristes, je continue de découvrir de nouveaux aspects que je ne connaissais pas. Et ce, à chaque visite de jardin, conférence, formation ou discussion avec une collègue. Bien que cela puisse être déstabilisant au début, c’est également un véritable plaisir d’en apprendre davantage à chaque opportunité qui se présente. C’est la curiosité qui nourrit mon apprentissage !

Et vous ? Avez-vous un commentaire sur ce que je viens de partager ? Je suis curieuse de vous lire 😉

Références :

Gazmend Skenderi, «Herbal Vade Mecum», Herbaxy Press, New Jersey, 2003, 480 p.

BRUNETON, Jean. Pharmacognosie, Phytochimie, Plantes médicinales, 4e édition, Éditions Tec & Doc, Paris, 2009, 1269 p.

Association des naturopathes agréés du Québec, Comprendre la migraine par Lorenza Saverioni

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