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Phytochimie et qualités énergétiques

les quatres éléments

Qui aurait cru qu’il y avait des liens possibles entre l’aspect énergétique et les composés biochimiques d’une plante?

Vous est-il arrivé de partager une solution herbale à une personne et constater que cela ne fonctionnait pas pour elle? Pourtant vous aviez bel et bien expérimenté cette plante et elle avait soulagé votre problème. Mais pourquoi donc est-ce que les résultats ne sont pas les mêmes pour tout le monde? Cette question n’est certes pas nouvelle. Les Anciens avaient d’ailleurs développé différents systèmes médicinaux pour personnaliser leurs soins. Dans la tradition, on utilise des notions énergétiques pour mettre en images les maux et les actions des plantes.

Bien sûr, les systèmes énergétiques n’expliquent pas toutes les propriétés de la plante. On ne pourrait pas faire un choix simplement basé sur l’aspect énergétique. Mais, c’est tout de même un outil qui amène une vision complémentaire! Il arrive d’ailleurs que nous ayons plusieurs options de plantes devant nous. Ce nouvel angle de vue peut alors nous permettre de faire un choix mieux adapté à la situation.

Comme la chimie des plantes est mon sujet de prédilection, je me suis demandé s’il y avait des liens à faire entre la composition biochimique et les classements énergétiques. Je suis donc partie à la recherche de pistes pour faire un pont entre la science et la tradition : mon type de projet favori !

Mes recherches ont été fructueuses. J’ai trouvé quelques publications provenant du Moyen-Orient qui établissent de telles correspondances. Dans cet article, je vous présente les composantes biochimiques selon une tradition énergétique qui a pris ses racines en Égypte ancienne, il y a plus de 3000 ans.

UN PEU D’HISTOIRE

Les Égyptiens antiques ont développé une théorie pour expliquer le fonctionnement de l’Univers : tout ce qui existe est une combinaison particulière des quatre éléments de base que sont le Feu, l’Air, l’Eau et la Terre. Chaque être humain, chaque plante, chaque minerai, tout ce qui existe, est une association particulière de ces éléments dans une proportion qui lui est propre. Et un équilibre des éléments, spécifique pour chaque être, permet l’émergence du 5e élément, l’élément qui engendre la vie : l’agent évolutif. L’Être doit être en mesure d’équilibrer ces éléments malgré les perturbations provenant de son environnement intérieur ou extérieur. Il peut le faire en facilitant les transitions d’un élément vers l’autre, de cette façon, il n’y a pas d’excès, de manque, ni de blocages.

La théorie des Égyptiens s’est ensuite transportée dans diverses parties du monde. Elle sera perfectionnée par les Perses et les Arabes pour devenir la médecine Unani au Moyen-Orient. Les médecins grecs Hippocrate (460 av. J-C) et Galien (131 ap. J-C) développeront de leur côté la théorie humorale. Le système médicinal grec migrera ensuite en Europe et en Amérique du Nord avec les Physiomédicalistes et les Éclectiques pour se poursuivre sous la désignation dHerboristerie Occidentale (Western Herbalism).

THÉORIE DES ÉLÉMENTS

-L’élément Feu est chaud et sec. C’est une énergie rayonnante, lumineuse et puissante qui agit comme un agent de transformation. Le feu a d’ailleurs ces caractéristiques.

-L’élément Air est chaud et humide. C’est une énergie qui diffuse et prend de l’expansion, une force centrifuge (qui éloigne). Les gaz ont cette caractéristique.

-L’élément Eau est froid et humide. C’est une énergie changeante et fluide, une force qui dénoue et solubilise. L’eau et les solvants ont ces caractéristiques.

-L’élément Terre est froid et sec. C’est une énergie de cohésion et de conservation, une force centripète (qui attire). Les minéraux et le sol sous nos pieds correspondent à cette description.

La Terre se transforme en Eau par le changement du sec vers l’humide tout comme une substance se dissous dans un liquide. L’Eau se transforme en Air par le changement du froid vers le chaud tout comme un liquide s’évapore avec l’apport de chaleur. Et enfin, l’Air se transforme en Feu lorsque l’humide se change en sec tout comme le feu enflamme la matière lorsque l’humidité s’est évaporée.

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Les qualités

Chaud : pouvoir d’action de destruction, élimination de ce qui est étranger, purification et amélioration, accélère les processus. Les éléments qui ne sont pas semblables sont éliminés. Le chaud est pénétrant, léger et pénètre les tissus.

Froid : pouvoir d’action qui assimile, rassemble, réunit, augmente la cohésion. Peut lier des éléments incompatibles et opposés dans leur nature. Le froid est dense et lourd.

Humide : capacité passive à dissoudre les frontières, peut s’étendre dans toutes les directions s’il n’est pas contenu. A une nature flexible et souple. L’humidité est douce, sensible et mémorielle.

Sec : capacité passive à limiter et ériger des frontières. Il permet la création d’espaces individuels, de structures et de fonctions. La sécheresse est dure, rude, rigide et cassante.

QUALITÉS DES PLANTES MÉDICINALES

Pour avoir plus de précision sur l’action de la plante, certains auteurs utilisent un système de degrés :

 ChaudFroidHumideSec
1er degréOuvre les pores et les canaux de circulationRéduit l’activité et la chaleurFait bouger les substances dans les canaux de circulationDiminue les excrétions
2e degréFluidifie les fluides pour améliorer la circulationÉpaissit les fluides, diminue la température interneLubrifie les surfaces et muqueusesFait sortir les liquides en excès
3e degréActive la digestion, le métabolisme, favorise la transpirationDiminue les excrétions des fluides et des solidesAssouplit les tissusFerme les pores, tonifie les muqueuses, protège
4e degréRéveille les fonctions inactives ou bloquées (peut brûler en cas d’excès)Prévient les excrétions (vomissements, toux, menstruations), calme l’agitation nerveuse et la douleurNourrit les cellulesArrête les pertes de fluides qui épuisent le corps

Exemples de plantes 

La graine de moutarde blanche (Sinapsis alba) a une qualité de chaud au 4e degré. Les applications topiques sont d’ailleurs révulsives et peuvent brûler la peau si appliquée trop longtemps.

Le romarin (Salvia rosmarinus) est chaud au 3e degré. Il active la circulation périphérique, stimule la digestion et dynamise le métabolisme.

La racine de guimauve officinale (Althea officinalis) est humide au 1er degré lorsqu’elle aide à évacuer le mucus dans un sirop expectorant. Avec une macération prolongée, elle lubrifie les muqueuses et devient légèrement laxative, caractéristique du 2e degré.

La feuille du plantain majeur (Plantago major) est froide au 1er degré, elle soulage les inflammations dues aux piqûres de moustiques.

La feuille de framboisier (Rubus idaeus) est sèche et le degré varie en fonction de la durée de l’infusion. Dans un mélange de plante avec une infusion de 5 min, elle est sèche au 1er degré mais en prolongeant la durée de l’infusion (ex.15-20 min), on peut sentir la sécheresse des muqueuses en bouche, un indice du 3e degré.

TYPES DE CLASSEMENT

Différentes techniques ont été utilisées pour déterminer les qualités des plantes par degré. Certains l’ont déterminé par observation clinique. Ils ont alors consigné les effets que la plante avait sur différentes personnes et ont rassemblé les informations afin de les classer.

D’autres ont utilisé des techniques de laboratoire comme la pyrolyse qui est une décomposition par la chaleur. Je me suis intéressée à cette technique car j’effectue régulièrement des calcinations de plantes lorsque je prépare mes teintures spagyriques et j’ai observé certaines analogies avec la classification des plantes.

Peu importe la technique employée pour déterminer le classement, il y a des similitudes dans les résultats obtenus.

Technique de pyrolyse

Le principe est de placer la plante dans un contenant qui permet de récupérer ce qui en sort. Cette expérience se fait lentement, on applique une source de chaleur de plus en plus élevée et ce, étalé sur plusieurs heures voire plusieurs jours consécutifs.

-1ère phase : l’humidité de la plante s’évapore. Cette portion est identifiée comme l’élément Eau de la plante.

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-2e phase : la plante séchée commence à produire une épaisse fumée blanche. Cette portion est identifiée comme l’élément Air. On récupère cette fumée lorsqu’elle se condense sur une paroi refroidie et on obtient un liquide jaunâtre et acide.

-3e phase : lorsqu’il n’y a plus de fumée, on voit apparaître une huile rouge et épaisse qui correspond à l’élément Feu.

-4e phase : on obtient un charbon noir parsemé de cendres grises. C’est l’élément Terre qui ne change plus. On pourrait chauffer les cendres sur une flamme vive et elles n’accumuleraient pas de chaleur, elles sont froides et basiques.

On compare ensuite la quantité des quatre portions obtenues et c’est ainsi que l’on détermine ses qualités dominantes. Par exemple, une plante qui produit une très grande quantité d’élément Eau aura un grand apport en qualités humide et froid. D’ailleurs, c’est le cas de la stellaire moyenne (Stellaria media) qui a des propriétés rafraîchissantes et émollientes. Lorsqu’une plante produit une grande quantité d’huile rouge, l’élément Feu, ses propriétés dominantes seront chaudes et sec. C’est le cas du romarin (Salvia rosmarinus) qui est très résineux.

Comme chaque élément possède une combinaison de deux qualités différentes, on tient compte de toutes les fractions obtenues. Par exemple, le pavot de Californie (Eschscholzia californica) produit une quantité très élevée d’eau (élément Eau) et de cendres (élément Terre). La qualité commune de ces deux éléments est le froid, qui sera donc dominant par rapport aux autres. Cela confirme ses propriétés sédatives, analgésiques, antitussives et antispasmodiques (froid au 4e degré).

QUALITÉS DES FAMILLES PHYTOCHIMIQUES

Avec les techniques d’analyses modernes, nous sommes maintenant en mesure de connaître la composition chimique des plantes. Et ces informations ajoutent une toute nouvelle dimension à notre compréhension sur les actions qu’elles peuvent avoir.

Dans l’objectif de faire des ponts entre la science et la tradition, certains chercheurs ont rassemblé les informations pour faire des liens entre la phytochimie et les qualités. Il n’est pas toujours facile de faire des comparaisons en utilisant les familles phytochimiques car chacune des familles regroupent une très grande diversité de molécules différentes. Qui plus est, la plante contient également un mélange de plusieurs composantes. Il n’est donc pas aisé de trouver des exemples de plantes qui représentent clairement l’effet des composés cités dans le tableau. Malgré cela, il est tout de même possible d’établir certaines corrélations (tout en gardant en tête que les exceptions sont nombreuses).

Composés phytochimiquesExemples des plantes qui en contiennent une grande proportionQualités
Terpènes (huiles essentielles)romarin, thym, fenouil, anis, achillée millefeuilleChaud et sec
Alcaloïdes de type amines et purineshydraste, lobélie, poivre, nicotine, caféChaud et sec
Composés phénoliquesCurcuma, millepertuis, calenduleChaud et sec
Saponinesréglisse, fenugrecChaud
Taninsaubépine, framboisierFroid et sec
Monoterpènes (avec fonctions alcool)coriandre, roseFroid et sec
Alcaloïdes (la plupart)pavots Froid et sec
Acides organiquesfruits, légumes vertsFroid et humide
Mucilagesguimauve, orme rougeHumide

Certaines associations sont intuitives. Par exemple, on peut facilement lier la qualité du chaud avec l’effet stimulant des huiles essentielles ou du poivre. On peut également faire un lien entre la qualité sec et l’action astringente des tanins. Il en est de même pour les mucilages et l’effet humidifiant.

LIMITES DES CLASSIFICATIONS

Malgré toute la bonne intention et les avantages des systèmes énergétiques, il ne faut pas oublier que ceux-ci ont été développés par des chercheurs différents qui ont adopté un vocabulaire et une philosophie qui leur sont propre. Conséquemment, les mêmes termes peuvent être utilisés pour désigner des concepts différents dans certains livres de référence. Par exemple, il se peut que dans une de vos lectures vous trouviez que la racine de guimauve est froide et que dans l’autre elle est plutôt chaude au 2e degré. Cela paraît contradictoire n’est-ce pas? Et pourtant, le froid explique bien son effet anti-inflammatoire tandis que le chaud exprime son effet expectorant.

Afin d’éviter d’augmenter la confusion au fil de nos lectures, il est recommandé de s’intéresser à la philosophie qui sous-tend les propos de l’auteur afin de s’assurer que nous interprétions adéquatement le vocabulaire qu’il utilise. En identifiant son courant de pensée (et l’époque auquel il appartient), il sera beaucoup plus facile de comprendre son point de vue. De plus, il est vraiment aidant de choisir des sources d’informations où l’auteur ajoute un court texte qui exprime sa logique lorsqu’il présente les aspects énergétiques sur une plante.

Références:

WOOD, Matthew. The Practice of Traditional Western Herbalism, Berkeley, 2004, 289 pages.

BARTLETT, Robert. The Temper of Herbs, USA, 2020, 152 pages.

ARDEKANI, Mohammad R. S. et coll. «Relationship between Temperaments of Medicinal Plants and Their Major Chemical Compounds», Journal od Traditional Chinese Medecine, 31 (1), 2011, p.27-31.

FARID, Ramezany et coll.«Primary Qualities in Phytotherapy and Traditional Medecines: A Statistical Study», Journal of Drug Delivery & Therapeutics, 3(3), 2013, p.1-6.

GANORA, Lisa, Western Herbal Energetics and the Four Humors System, Colorado School of Clinical Herbalism, 2018. https://clinicalherbalism.com/western-herbal-energetics-and-the-four-humors-system/

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