Reconnaître et utiliser la Prêle des champs

La prêle des champs est souvent perçue comme une plante envahissante et détestable mais c’est une plante médicinale utilisée pour ses vertus médicinales depuis l’Antiquité. Cette mal aimée est riche en silice, un minéral essentiel pour la santé des os, des cheveux, des ongles et de la peau. Elle possède des propriétés diurétiques, anti-inflammatoires et reminéralisantes, ce qui en fait un allié précieux pour certaines problématiques santé. Utilisée en décoction, en bain ou en rince-cheveux, la prêle des champs mérite d’être découverte et valorisée. Sauriez-vous reconnaître et utiliser la Prêle des champs ?

Pour en savoir plus, lisez ce qui suit.

Reconnaître et cueillir la bonne prêle

La prêle est souvent considérée comme une mauvaise herbe. Elle se propage rapidement par les rhizomes et s’étend rapidement en grandes colonies. On la retrouve autant dans les milieux secs que les terrains marécageux. Mais il y a plusieurs espèces de prêles et certaines contiennent des substances nocives. De ce fait, nous devons savoir identifier la bonne prêle avant de la consommer.

Reconnaître la Prêle des champs (Equisetum arvense)

La prêle des champs est la seule qui pousse en deux temps avec une tige fertile séparée de la tige principale. Elle aime pousser sur les terrains sablonneux, se trouvant fréquemment le long des routes et les terrains qui ont été remués.

La tige fertile sort tôt au printemps, elle emmerge de terre juste après la fonte des neiges. Elle est beige avec un épis au bout, qui émet des spores pour se reproduire. Alors si on repère ces tiges, on sait que c’est bien la prêle des champs qui émerge dans cette zone du terrain.

Mais il est possible de reconnaître la prêle des champs même si ce stade est passé. La tige stérile se distingue des autres prêles par ces caractéristiques :

• les rameaux poussent vers le haut
• les tiges sur les rameaux ne se redivisent pas (ou très rarement)
• les tiges sur les rameaux sont pleines
• les gaines sur les rameaux ont 4 dents
• la tige principale est creuse
• les gaines de la tige principale ont plusieurs petites dents noires (4 à 14)
• la première gaine de la tige principale est nettement plus courte que la première gaine du rameau

C’est plus facile à expliquer avec des images alors voici un petit montage en vidéo :

Note : c’est important d’observer la toute première gaine à partir du sol sur la tige stérile verte afin de la différencier des autres espèces de prêles.

Cueillir la Prêle des champs

On cueille les tiges stériles vertes de la prêle des champs au printemps, vers la fin mai ou début juin dans les Laurentides, au Québec. Elles devraient être à peu près au même stade de croissance que dans la vidéo ci-dessus.

Si on attend trop longtemps, la tige devient raide. Elle est alors plus difficile à extraire et à digérer.

Autres espèces de prêle

Prêle des prés

La prêle des prés (Equisetum pratense) ressemble beaucoup à la prêle des champs. Au printemps, on la différencie facilement de la prêle des champs parce que son épis fertile pousse tout au bout de la tige principale. On observe donc un cône brun sur le bout d’une tige verte. Mais en été, on pourrait facilement confondre les deux espèces !
Pour la prêle des prés, les rameaux ont tendance à descendre vers le bas. Habituellement, les tiges des rameaux ne se redivisent pas ou très rarement pour elle aussi. Cependant, les gaines sur les rameaux ont généralement 3 dents. Mais surtout, si on regarde la première gaine sur la tige principale, on devrait remarquer qu’elle est plus haute que la première gaine du rameau. Additionnellement, il y a des petites lignes blanches sur les gaines de la tige principale.

On évite de consommer la prêle des prés en interne car elle contient une quantité trop élevée de thiaminase, une enzyme qui détruit la thiamine (vitamine B₁). Toutefois, on pourrait l’utiliser pour préparer des produits qui seraient utilisés sur la peau, en bain et pour les cheveux. C’est également une bonne option pour le compost et pour les préparations destinées au jardin.

Prêle des marais

La prêle des marais (Equisetum palustre), quant à elle, pousse habituellement en mileu très humide, voire directement les pieds dans l’eau. Malgré cela, il est possible de retrouver de la prêle des champs dans le même milieu. Les épis fertiles de la prêle des marais se trouvent sur la tige principale et il peut y en avoir plusieurs sur le même plant. Les gaines sur la tige principale ont plusieurs petites dents noires (5 à 10) bordées de lignes blanches. Et encore une fois, on la distingue en regardant la première gaine sur la tige principale. Comme pour la prêle des prés, elle sera plus haute que la première gaine du rameau.

Il faut absolument éviter de consommer la prêle des marais en interne car elle contient des alcaloïdes toxiques (palustrine et palustridiène), et ce, en plus de la thiaminase.

Prêle des bois

La prêle des bois (Equisetum sylvaticum), quant à elle, a des rameaux très ramifiés. Les gaines de la tige principale sont gonflées et finissent avec une pointe brune. On évite de consommer celle-ci aussi car elle contient trop de thiaminase.

Et les autres prêles…

Il y a plusieurs autres espèces de prêles mais elles se distinguent plus facilement de la prêle des champs que celles que j’ai mentionnées par leur taille et leur apparence générale.

Si vous voulez voir à quoi elles ressemblent : GoBotany et Minnesota Wildflowers

Phytochimie de la prêle des champs

Nous utilisons la tige stérile de la prêle des champs. La plante contient des minéraux, acides aminés, acides phénoliques, flavonoïdes, vitamines, phytostérols et des traces d’alcaloïdes. Parmi tout ceci, ce sont surtout les minéraux et les flavonoïdes qui seraient responsables de ses propriétés médicinales.

Il ne faut pas oublier que toutes les molécules présentes dans la plante ont leur importance, la présence de l’une permet l’action d’une autre, elles agissent toujours en synergie. On ne peut donc pas attribuer tous les bienfaits de la prêle seulement à ces deux composantes même si cela nous aide à y voir plus clair.

Molécules-clés	Famille phytochimique	Quelques propriétés médicinales
Silicium, fer, manganèse, zinc, sélénium, cuivre	Minéraux et oligo-éléments	Santé des os et des tissus, dents, peau, cheveux, ongles
hétérosides de lutéoline et de quercétine	Flavonoïdes	Diurétique, hémostatique, anti-inflammatoire
Acide chlorogénique et dérivés	Acides phénoliques	Antidiabétique, antifongique
Thiaminase (traces)	Enzyme	Destruction de la thiamine (Vitamine B1)

Composition minérale

La prêle des champs est très riche en minéraux, surtout en silicium. Le silicium soluble dans l’eau est principalement sous forme d’acide ortho silicique et des silicates de calcium et de potassium. Ces composés stimulent la synthèse du collagène et de kératine pour la santé des ongles, des cheveux et de la peau. Ils permettent de fixer le calcium dans les os et les dents et favorisent la structure des cartilages.

Le silicium aurait également l’avantage de réduire l’assimilation et l’accumulation de l’aluminium, un élément toxique pour le système nerveux, que l’on veut éviter de consommer.

On rapporte aussi la présence de fer (193 à 1760 µg/g), de manganèse (24 à 144 µg/g), de zinc (15 à 33 µg/g), de sélénium (0,1 à 0,9 µg/g) et de cuivre (11 à 22 µg/g).

Le silicium représente 5 à 10 % du poids de la prêle, une fois séchée. Les minéraux et oligo-éléments sont mieux extraits dans l’eau.

Composition en flavonoïdes

Les propriétés diurétiques et hémostatiques de la plante seraient principalement dues à son contenu en flavonoïdes. La prêle contient surtout des flavonoïdes de types flavonols sous forme d’hétérosides ce qui leur donne une excellente solubilité dans l’eau. Les flavonols sont des flavonoïdes très communs dans les végétaux, ils sont habituellement associés aux effets antihistaminiques, anti-inflammatoires et veinotoniques. Ce sont des antioxydants qui protègent les tissus des radicaux libres.

Les analyses de laboratoire démontrent qu’il y a plusieurs chémotypes de prêle des champs à travers le monde. Les chémotypes se différencient par leurs profils différents en flavonols.

Les molécules présentes sont très similaires dans leur structure malgré les noms différents et complexes qu’on leur donne. Ce sont tous des pigments de couleur jaune, le jaune étant caché par la couleur verte de la chlorophylle. Et ils sont très solubles dans l’eau et l’alcool.

Composés potentiellement nocifs (thiaminase)

Dans la prêle des champs, on rapporte la présence d’une petite quantité de thiaminase qui dégrade la vitamine B₁. Toutefois, la quantité est minime par rapport aux autre espèces.

La thiaminase est détruite par la chaleur et inactivée par l’alcool.

👉 Il n’y a aucun historique de carence en vitamine B₁ rapportée chez l’humain par la consommation de prêle des champs. Les cas d’intoxication avec la prêle sont liés à la consommation des autres espèces de prêles (voir ci-haut).

On rapporte des traces de nicotine mais la quantité est en ppm (parties par million) chez la prêle des champs. Ce n’est donc pas problématique.

Autres composantes dans la prêle des champs

La prêle des champs contient également divers acides phénoliques comme l’acide chlorogénique, l’acide dactylfirique et l’acide caféoyltartarique. Ce sont trois molécules très similaires et assez communes, sont reconnues pour leurs propriétés antioxydantes. Elles participent fort probablement aux propriétés antifongiques de la plante.

Parmi les autres composantes de la plante, on peut citer une quantité appréciable de niacine et nicotinamide (vitamines B₃). La tige stérile de la prêle des champs contient également des phytostérols (β-sitostérol, campestérol, isofucostérol), triterpènes et caroténoïdes.

Décoction de prêle des champs

La préparation la plus intéressante avec la prêle est la décoction. On élimine ainsi la thiaminase et on s’assure d’extraire une quantité suffisante de silice.

👉 3 à 6 grammes de prêle séchée par 750 ml d’eau, on mijote 15 minutes et laisse infuser au moins 15 min de plus.

On peut boire cette infusion tout au long de la journée comme source de minéraux pour améliorer l’apparence de nos cheveux et ongles. Toutefois, il est préférable de mélanger la prêle avec des plantes émollientes car elle est très diurétique. Suggestions : paille et fleurs d’avoine (Avena sativa), racines de guimauve (Althaea officinalis), camomille allemande (Matricaria chamomilla).

👉La décoction de prêle est vraiment intéressante utilisée sur la peau, en bain et pour se rincer les cheveux après le shampoing.

Appliquée sur la peau, elle aide à la cicatrisation et à la regénération des tissus. C’est une bonne option pour les hémorroïdes, les coupures mineures, l’eczéma et l’acné.

Précautions d’utilisations pour la prêle des champs

La prêle des champs est une plante médicinale asséchante à consommer avec modération. Je vous conseille de la mélanger en petites quantités avec d’autres plantes aux propriétés moins diurétiques dans les tisanes ou les décoctions. De cette façon elle ne pose pas de contre-indications.

Cependant, si elle est utilisée seule, sa consommation devrait être limitée à quelques jours par mois. Elles sera alors à éviter chez les femmes enceintes, allaitantes, les jeunes enfants ainsi que dans les cas de maladies rénales ou cardiaques. Consultez un professionnel de la santé, si vous avez des conditions de santé particulières.

Ceci dit, il n’y a pas de précautions particulières si on veut profiter des bienfaits de la prêle en application externe !

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👉 La prêle a fait l’objet d’un projet collaboratif à la Guilde des Herboristes dans la revue Plantes Médicinales, vol.5, no2 de 2022. Vous pouvez acheter la revue par ce lien. 👈

Références

Prof Dr Ali Esmail Al-Snafi. The pharmacology of Equisetum arvense – A review. IOSR Journal of Pharmacy, Vol 7 (2), feb 2017, pp.31-42.

Neda Mimica-Dukic and all, Phenolic Compounds in Field Horsetail (Equisetum arvense L.) as Natural Antioxidants, Molecules Vol 13(7), 2008, pp.1455-1464.

Jinous Asgarpanah and Elnaz Roohi, Phytochemistry and pharmacological properties of Equisetum arvense L., Journal of Medicinal Plants Research, Vol 6 (21), June 2012, pp.3689-3693.

European Commission. Equisetum arvense L. Basic Substance application, Dec 2013.

Jean Bruneton. Pharmacognosy, Phytochemistry, Medicinal Plants, 2^nd Edition, Éditions Tec & Doc, Paris, 1999, 1120 p.

Gazmend Skenderi. Herbal Made Vecum, Herbacy Press, New Jersey, 2003, 480 p